Philosophie de l’Analyse des pratiques professionnelles
Passer de l’expérience vécue à la conscience réfléchie de l’éxpérience vécue
John Dewey disait : » Que l’intervention d’un « aidant » devait être le fruit d’un processus de réflexion qui puisse lui permettre de justifier et de prévoir les conséquences de son action. «
Donald Schön a étudié la relation existant entre le savoir scientifique et l’action professionnelle des « aidants », il a cherché à mettre en évidence le savoir caché dans l’agir professionnel. Ses travaux ont montré que les « aidants » en savaient beaucoup plus que ce qu’ils pouvaient en dire et que très souvent leurs actions ne s’appuyaient pas sur de l’appris (savoir scientifique), mais sur de l’acquis (actions professionnelles ou savoirs-faire).
La posture nous parait pertinente à cause de la singularité de la relation humaine, qui par essence est un lieu d’imprévisibilité, d’incertitude et d’instabilité, ce qui rend difficile l’application de théorie ou de techniques traditionnelles. Dans le cadre de l’analyse de la pratique professionnelle, le souci consiste à accueillir et à travailler avec cette dimension d’incertitude et d’imprévisibilité, tout en y introduisant en lieu et place une démarche consciente et réfléchie au sein du processus de construction des connaissances afin que la personne puisse être actrice de la démarche et se découvrir capable de conscientiser les fondamentaux de son « agir ».
L’outil: La pratique réflexive
La pratique réflexive est un processus mental qui vise à apprendre à partir des expériences vécues, par un retour de la conscience sur elle-même, de manière régulière et volontaire. Le but étant de prendre conscience de sa manière d’agir et de réagir, dans les situations professionnelles ou, par extention dans notre vie de tous les jours.
Les enseignements qui peuvent être mis à jour dans ce retour réflexif, au travers des questions telles que:
- Qu’est-ce que j’ai fait ?
- Comment j’ai fait ?
- Pourquoi je l’ai fait ?
- Qu’es-ce que ça m’a fait ?…., peuvent représenter autant d’éclairages et d’enseignements nouveaux permettant d’envisager autrement les situations à venir. Et, partant de là, de construire des compétences plus efficaces dans le cadre de sa pratique.
Le processus de la pratique réflexive
Nous pourrions décrire plusieurs étapes à l’intérieur de ce processus :
- La découverte de soi: Comment mes représentations, fruits de mon histoire, participent et orientent mon action et donc, continuent à écrire mon histoire. Ce processus s’opérant bien souvent, sans conscience de son incidence sur la structuration de la conduite relationnelle et situationnelle du moment.
- Prise de conscience d’une problématique: Son incidence sur ma manière d’être, de faire, de penser… Comment le comportement d’autrui participe à ma manière de le penser, de le définir et, partant de là, à rentrer en relation à partir d’apriori, de jugements, d’interprétations, source de confusion, de malentendus et d’incompréhensions…
- L’analyse : Qu’est-ce que je peux analyser ? Comment analyser sans trier, sans évaluer, sans juger ?
- La recherche : Qu’est-ce que je peux en comprendre ? Qu’est-ce que je peux en apprendre ? Qu’est-ce que je vais en faire ? Qu’est-ce que je peux en faire ? Passer du désir de vouloir à la capacité de pouvoir…
- La réalisation abstraite : Comment permettre à ces nouveaux éclairages de participer à la construction de nouvelles représentations plus ouvertes aux possibles, moins figées dans les conduites….
L’acte professionnel, la conduite de « l’aidant’ n’est pas que le produit d’automatismes. Il s’y trouve en « pli », sous une forme non visible, une construction qui résulte d’une réflexion dans l’action. Pour que cette réflexion puisse accéder à la conscience et être explicitée il y a nécessité d’adopter la posture réfléxive.
Une démarche expérientielle
Il ne peut y avoir d’apprentissage et de changement durable que si l’aidant expérimente par lui-même ce que cela lui fait d’apprendre quelque chose. C’est donc au travers de l’expérience du vécu de l’aidant que se confronte la théorie qui soutend la démarche expérientielle. Elle facilite et active un processus par lequel des connaissances sont créées à partir d’une transformation de l’expérience de l’aidant. Ces connaissances nouvelles résultent d’une prise de conscience de comment l’aidant agit et pourquoi il agit ainsi et ce, au travers de la transformation de l’implicite d’agir reposant sur des automatismes, en un explicite verbalisé reposant sur la compréhension/réflexion de la situation vécue.